Une brève réflexion par Isabelle Schopf, notre collaboratrice Orthophoniste.
Cette semaine, la maman de l’une de mes patientes m’a envoyé un article du site rtbf.be intitulé « Les enfants maîtrisent de moins en moins bien l’écriture manuscrite ». Selon cet article, les claviers et les écrans remplacent peu à peu le stylo, ce qui implique non seulement des difficultés d´écriture, mais aussi une modification des connections neuronales essentielles pour la construction de certaines compétences indispensables pour les autres apprentissages, comme la structuration de la pensée, la planification ou la mémorisation par exemple.
Les graphothérapeutes belges ne sont pas les seuls à s’en inquiéter. Nous autres orthophonistes ou logopédistes, que nous soyons, Belges, Français, Espagnols ou Suisses, nous sommes également confrontés à ce problème, souvent associé à d’autres troubles du langage écrit. Et s’il est vrai que la technologie occupe chaque fois une place de plus en plus grande dans la vie de nos enfants, elle n’est pas l’unique cause de ce déficit. La diversification des programmes scolaires, la réduction du temps « d’entraînement à l’écriture » et le manque d’unification des méthodes, sont aussi à pointer du doigt. Beaucoup d’enfants traités pour dyslexie, dysorthographie ou retard de langage, ne savent pas former leurs lettres correctement et encore moins les lier entre elles. Dans le cas de notre cabinet, ces écoliers proviennent souvent d’écoles bilingues exigeant des systèmes d’écriture différents pour chaque langue, et dont les programmes déjà surchargés ne permettent pas de consacrer plus de temps à l’écriture et donc au développement de la motricité fine.
L’écriture est donc en train de devenir cette grande oubliée, pour les raisons déjà citées d’une part, et d’autre part, parce qu’elle ne semble plus vraiment répondre aux exigences actuelles. Dans une société en profonde transformation qui navigue entre passé et futur, et dans laquelle le développement technologique est si rapide, qu’il laisse derrière lui des enseignements qui semblent souvent devenus obsolètes, c’est le langage oral et écrit qui donne l’impression d’être touché dans son ensemble. Certains y verront une adaptation irréversible à l’évolution de notre société, d’autres une dégradation ou dégénération des apprentissages linguistiques. Ce qui est certain, c’est que nos systèmes scolaires n’ont pas encore évolué dans ce sens-là et que les exigences langagières, peut-être moins fortes que dans le passé, sont toujours présentes. C’est donc à nous, professionnels et parents, à essayer de maintenir un certain équilibre entre les apprentissages scolaires langagiers basés sur la langue « académique » et l’habileté motrice fine nécessaire à sa transcription écrite, et les « apprentissages technologiques » faisant appel à un mode de pensée et des habiletés motrices différentes.